Elie Pontonnier, l’un des maraîchers de March’Equitable, a réfléchi à cette problématique avant de se lancer. « Elie, accepterais-tu de nous en dire plus ? »
Elie Pontonnier : Mon projet est construit autour d’un concept essentiel, celui d’ECONOMIE.
Que ce soit au niveau du matériel utilisé, du carburant ou autre source d’énergie, de l’eau, de mes finances ou de ma santé, tout tourne autour de ce mot d’ordre principal. Sans que pour autant cela soit une obsession. Juste un projet et une manière de vivre.
Je travaille d’abord sur une petite surface ( 2ha, dont 7000m2 en plein air et 530m2 sous serres non-chauffées), j’ai un tracteur – qui fonctionne 50 heures par an – j’utilise donc essentiellement des outils « sans moteur »: une houe fabriquée avec mon père, un planteur manuel, une bêche… Je bouscule le moins possible le sol, sinon de façon superficielle. Je pratique un peu le paillage pour économiser du temps de travail, paillage plus important sous les serres et plus léger en plein air -trouver le juste milieu pour éviter les rongeurs…- faisant confiance aux organismes du sol (vers de terre et autres auxiliaires) pour aérer, bêcher… à ma place.
Je cherche aussi les synergies entre les différentes plantes, qui se complètent et s’enrichissent. Quelques exemples : pour cultiver les carottes, je prépare le sol avec un passage de cultivateur et de fraise, puis j’ai un semoir manuel, que je pousse, et je bine à la houe, manuelle aussi. Quant à l’arrachage, il se fait à la grelinette ou à la bêche. De ce fait, je réduis mon besoin de carburant, et de matériel cher à l’achat et en entretien (économies financières).
Autre exemple : je cultive les courgettes (légumes d’été) derrière les choux fleur (légumes d’hiver), les fanes des seconds servant de paillage aux premières. Là, mes charges sont réduites (j’utilise deux fois le même espace, je diminue mes taxes, je prends ce que j’ai sur place pour protéger ma seconde culture, donc pas de carburant et de temps pour me procurer d’autres protections pour mes plants de courgettes…).Je tiens compte aussi de la façon dont les plants vont être demandeurs par rapport au sol, un légume « gourmand » en azote, suivant un autre moins demandeur, etc.
J’évalue mon temps de travail à environ 20 heures par semaine pour les périodes creuses et 90 heures de mai à mi-juillet, lorsque la mise en production rencontre les récoltes longues de haricots verts et autres petits pois.
Et je commercialise mes légumes à March’Equitable, environ 25 km de chez moi, et chez moi afin de ne pas consommer trop de carburant.
D’après les études que j’ai lues, cela ressemble à ce que vit un maraîcher conventionnel. Ma production, elle, est évidemment moindre. Mes charges étant également moindres, mon résultat, lui, est sensiblement le même car, justement, j’ai moins de charges (taxes, assurances, engrais, carburant, électricité…).
Je produis mes plants moi-même, juste parce qu’un plant produit sur place, avec les caractéristiques du terroir dans lequel il grandira, est moins malade et moins gourmand en eau. D’autre part, je fertilise avec ma cendre de bois qui les nourrit en potasse et en phosphore, et je récupère( ou j’achète) le fumier d’un voisin ou les déchets verts de la commune.
Enfin, je me ressource à travers les rencontres organisées par le CIVAM, et je complète ma formation au travers de sites comme « l’atelier paysan », les livres de mon père ( Editions Terre Vivante et du Terran) et mes échanges avec lui (puisqu’il jardine depuis toujours), et les conférences de Marc DUFUMIER et celles de Lydia et Claude BOURGUIGNON, ingénieurs agronomes, que vous pouvez trouver sur YOUTUBE.
Pour moi, économiser l’énergie, c’est accepter de cerner mes besoins et me contenter de ce que je sens nécessaire. Cela relève d’une vision globale qui englobe tous les aspects de mon travail et de ma vie.
Elie Pontonnier